Application de la structure FRBR aux documents juridiques
Les FRBR (Functional Requirements for Bibliographic Records : Spécifications fonctionnelles des notices bibliographiques) sont des guides de classements des documents selon un modèle développé par l’IFLA (International Federation of Library Associations and Institutions : Fédération internationale des associations de bibliothécaires)
L’objectif est de rappeler à quoi sert une description normalisée d’une information, par exemple une notice bibliographique : trouver, identifier, choisir et avoir accès à une entité informationnelle.
- trouver les documents qui correspondent aux critères de recherche exprimés par l’utilisateur (par exemple, la recherche de tous les documents relatifs à un sujet donné, ou bien la recherche d’un enregistrement paru sous un titre déterminé) ;
- identifier une entité (par exemple, pour obtenir confirmation que le document décrit dans une notice correspond bien à celui que recherchait l’utilisateur, ou bien pour établir une distinction entre deux textes ou deux enregistrements qui portent le même titre) ;
- choisir une entité qui soit en adéquation avec les besoins de l’utilisateur (par exemple, pour choisir un texte rédigé dans une langue que l’utilisateur comprenne, ou une version de logiciel qui soit compatible avec le matériel et le système d’exploitation dont il dispose) ;
- avoir accès (à titre gratuit ou onéreux) à l’entité décrite (par exemple, pour lancer une commande de document édité, pour demander le prêt d’un exemplaire figurant dans les collections d’une bibliothèque, ou bien pour consulter en ligne, à distance, un document numérisé sur un autre ordinateur).
Les entités définies pour ces spécifications représentent les objets fondamentaux pertinents pour les utilisateurs de données bibliographiques. Elles se répartissent en trois groupes. Le premier groupe comprend les produits d’une activité intellectuelle ou artistique qui sont nommés ou décrits dans les notices bibliographiques : oeuvre, expression, manifestation et document. Le deuxième groupe comprend les entités à qui revient la responsabilité du contenu intellectuel ou artistique, de la production matérielle et de la distribution, ou de la gestion juridique de ces produits : personne et collectivité. Le troisième groupe comprend un autre ensemble d’entités constituant le sujet de l’activité intellectuelle ou artistique : concept, objet, événement et lieu.
Pour simplifier à l’extrême (en se limitant au premier groupe « produits de la notice ») et justifier de l’intérêt d’une telle distinction dans les matières qui nous occupent, un exemple traditionnel est donné pour expliciter les FRBR et leurs usages : celui d’une oeuvre classique. Ainsi, on distinguera « l’oeuvre » Hamlet (que les bibliothécaires identifieront par une notice d’autorité), de ses « expressions » (sa version traduite en français par exemple), de ses « manifestations » concrètes (première, énième édition imprimée, qu’on va distinguer par un ISBN pour un livre) et enfin de ses « éléments », copies matérialisées de ces dernières, ou exemplaires.
Les deux premières entités reflètent le contenu, le fond du document :
L’oeuvre (en anglais work) identifie une création intellectuelle distincte ; dans le cas d’un document juridique, elle identifiera une source de droit, tant dans son essence (comme elle a été émise) et dans son devenir (comme elle est modifiée au fil du temps). Ainsi, pour une jurisprudence, il va s’agir de l’affaire elle-même, dans son ensemble (faits, sens, valeur, portée…). Pour un texte normatif, il s’agira de la norme elle-même, quel que soit son état (projet, en cours de vote, texte initial, consolidé, modifié, abrogé…)
L’expression identifie une réalisation intellectuelle particulière d’une oeuvre, dans notre cas, elle pourrait décrire toutes les différentes versions de l’acte dans le temps (l’original ou la version modifiée, consolidée…) et/ou la langue dans laquelle le texte est exprimé. Pour une jurisprudence, il s’agira d’une version datée et précise d’une des étapes du processus contentieux. Pour un texte normatif, par opposition au précédent, cela pourra être aussi toute version successive du texte pendant son processus d’élaboration. Par ailleurs, les expressions peuvent aussi être concomitantes (voire concurrentes, on parlera d’opinions dissidentes pour les jurisprudences), ou bien, dans le cas du droit comparé en général, ou pour les systèmes juridiques plurilingues, on peut aussi imaginer des expressions distinctes dans chaque langue.
Les deux autres entités ont trait à la forme du document:
La manifestation identifie une réalisation concrète d’une expression. Dans cas du document juridique, elle identifie les réalisations dans les différents médias (impression papier, version authentique/authentifiée, versions numériques, etc.), l’encodage des formats (XML, PDF, etc.), ou des caractéristiques autres propres à chaque éditeur en charge de publier le document (version abrégée, avec ou sans notice, anonymisée…);
Le document (en anglais item), ou exemplaire, identifie une copie d’une manifestation spécifique. Ici, il identifiera des copies physiques. Ainsi la version (unique) authentifiée d’un jugement destiné à chacune des parties, la version authentique d’un décret ou d’une loi signée par le Président de la République. Mais aussi plus prosaïquement, la photocopie ou l’impression papier de telle ou telle « manifestation » d’un document juridique, ou le fichier informatique enregistré sur un disque dur ou sur un serveur.
Le texte qui décrit le modèle FRBR a été publié en 1998 et disponible en ligne (http://www.ifla.org/publications/functional-requirements-for-bibliographic-records). Une traduction en français est disponible sur le site de la Bibliothèque nationale de France (BnF: https://www.bnf.fr/fr/modeles-frbr-frad-et-frsad). D’après les termes mêmes de l’étude, le modèle FRBR donne une représentation de « l’essence même de ce sur quoi la notice bibliographique est censée renseigner, et l’essence même de ce que nous attendons de la notice en termes d’adéquation aux besoins des utilisateurs. »
Les FRBR ou Spécifications fonctionnelles des notices bibliographiques offrent de très nombreuses pistes de réflexions et de pratiques documentaires. Il est regrettable que leur développement soit confiné aux sciences de l’information et des bibliothèques : il apparaît vite que des applications utiles peuvent en être retirées, notamment dans le traitement du cycle de vie des documents juridiques.
Voir aussi les Conclusions du Conseil préconisant l’introduction d’un identifiant européen de la législation (ELI) [Journal officiel C 325 du 26.10.2012], et notamment l’application de la structure FRBR.
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2012:325:0003:0011:FR:PDF
Extraits :
ELI, pour sa part, se fonde sur le modèle bien établi des «Fonctionnalités requises des notices bibliographiques» , tout en tenant compte d’autres procédures de standardisation actuellement utilisées dans ce domaine. Le modèle FRBR fait une distinction entre les concepts d’«oeuvre» (création intellectuelle ou artistique déterminée), d’«expression» (réalisation intellectuelle ou artistique d’une oeuvre) et de «manifestation» (matérialisation de l’une des expressions d’une oeuvre).
ELI décrit les ressources législatives selon le même procédé

Les descriptions normalisées des documents juridiques
Akoma Ntoso
http://dossierdoc.typepad.com/descripteurs/2012/03/legaldocumentml-nouveau-comite-technique-oasis.html Un comité OASIS [LegalDocumentML (LegalDocML) TC (technical commitee) s’occupe du développement d’un standard commun pour les documents juridiques, à partir de « Akoma nToso » (site d’exemples : http://www.akomantoso.org/?page_id=275 ), un cadre de représentation (XML) pour les documents parlementaires, législatifs et judiciaires
On y retrouve les notions du FRBR. Le format métier « Akoma Ntoso » intègre non seulement la description des documents, mais leur cycle de vie (gestion des versions, intervenants, …) et la structure éditorialo-documentaire (partie de livre, paragraphe, chapitre, article, clause, item d’une clause). Les URI sont signifiantes et suivent une structure précise, celle-ci, construite initialement pour l’oeuvre (frbr:work) sert à construire l’URI de l’expression de l’oeuvre (frbr:expression) et celle de sa manifestation concrète (frbr:manifestation).



Les conventions de nommage de l’Akoma Ntoso sont compatibles et intégrées dans la normalisation IFLA de descriptions des données bibliographiques (FRBR)
● WORK / OEUVRE: le concept abstrait de la notion ou de l’acte juridique (e.g., la loi ALUR).
● EXPRESSION: une version de l’OEUVRE, dont le contenu est spécifiable (discriminant) et différenciable des autres pour n’importe quelle raison : langue, date. (e.g., la loi ALUR telle qu’elle est applicable tel jour).
● MANIFESTATION – la version électronique ou physique de l’EXPRESSION: MS Word, Open Office, XML, TIFF, PDF, etc (e.g., PDF de la loi ALUR applicable à telle date).
● ITEM: la copie physique de la MANIFESTATION matérialisée par le fichier copié sur un disque ou disponible en ligne via une URL (e.g., le fichier nommé act32005.pdf sur mon ordinateur contenant le pdf de la loi ALUR applicable à telle date).